HISTOIRE ANCIENNE ET RECENTE DU JARDIN BOTANIQUE DE LIEGE
par Marie de SELLIERS de MORANVILLE
Licenciée en histoire de l’art et archéologie de l’ère moderne
et Philippe DESTINAY Licencié en sciences botaniques
I. Introduction
Au fil des siècles, les communautés religieuses installées à Liège, les Princes-Evêques, la Ville elle-même ont aménagé de nombreux jardins ornementaux et/ou utilitaires (potagers, jardins de plantes condimentaires, médicinales,…).
Bien que nous disposions de peu de renseignements à leur sujet – il y a matière à recherche… avis aux amateurs !- , peut-on dire qu’il s’agissait de jardins botaniques ?
Si l’on se réfère aux différentes missions que doit remplir un jardin botanique à l’heure actuelle, à savoir être un outil pour la recherche scientifique et l’enseignement de la botanique, jouer un rôle de conservatoire de certaines espèces végétales sans compter les aspects didactique, culturel voire touristique, la réponse est sans doute négative. Ceci n’enlève toutefois rien à l’intérêt de ces jardins, publics ou non, ni à la renommée de nos ancêtres en matière d’horticulture.
En prévision de la création d’un jardin botanique proprement dit, le Conseil de la Cité concéda d’ailleurs, en 1770, à Jean-Nicolas Demeste, chirurgien-major de la Citadelle, un terrain situé sur les coteaux de ladite Citadelle, au-dessus de la porte Vivegnis jusqu’à l’entrée des Six Cents degrés.
La collection de végétaux que Demeste y accumula était très réputée, même à l’étranger. Ce jardin fut malheureusement détruit lors de la révolution française.
Les autorités de l’époque songèrent alors à faire revivre à Liège un jardin botanique.
Elles y étaient d’autant plus disposées que la loi du 3 brumaire an III (28 octobre 1795) qui organisait des « écoles centrales » dans chaque chef-lieu de département, stipulait qu’à chacune de ces écoles, fût annexé un jardin botanique.
Différents projets furent élaborés: dans les serres du château du Prince-Evêque à Seraing, dans celles du monastère Saint-Laurent, dans le jardin du couvent des Prémontrés choisi pour devenir le siège de l’« école centrale de Liège », etc.
Aucun de ces projets n’aboutit, notamment pour des raisons financières. On reparlera ultérieurement de ce qui fut et est toujours le « nerf de la guerre » à savoir l’argent !
II. L’université de Liège et son (ses) jardin(s) botanique(s)
II. 1. Un jardin place Cockerill…
En fait, Liège dut attendre la période hollandaise et donc son rattachement au royaume des Pays-Bas, pour disposer de son premier jardin d’enseignement de la botanique.
Ledit jardin ainsi que l’Université furent fondés par décision du Roi Guillaume Ier d’Orange, le 25 septembre 1816 (cf. Règlement pour l’organisation de l’enseignement supérieur dans les provinces méridionales du royaume des Pays-Bas).
Ce n’est toutefois qu’en 1819 que l’Université reçut à cette fin, de la Ville de Liège, l’ancien jardin particulier du Collège des Jésuites wallons dans les locaux desquels l’Université avait été installée officiellement le 25 septembre 1817.
Ce « parc des flores » qui s’étendait jusqu’à la Meuse, était principalement situé à l’emplacement de l’actuelle place Cockerill. Son premier directeur fut le Professeur Henri Gaëde (Kiel, 26 mars 1795 – Liège, 2 janvier 1834) avec comme adjoint le botaniste Richard Courtois (Verviers, 18 janvier 1806 – Liège, 14 avril 1835) auquel on doit notamment un mémoire sur les Tilleuls d’Europe.
Vers 1820, l’architecte de la Ville, Jean-Noël Chevron (1790-1867), fut chargé d’aménager non seulement les bâtiments de l’ancien collège des Jésuites (e.a. édification d’une salle académique à la place de l’église baroque, etc.), mais aussi le jardin.
J-N. Chevron prévoit la construction d’une orangerie, d’une serre chaude et de deux serres tempérées.
Des espaces sont également réservés pour des parterres réguliers.
Toutes ces constructions furent bien réalisées si l’on se réfère au plan dressé en 1825 par un autre architecte de la Ville, Julien-Etienne Remont, dont nous reparlerons.
Suite au décès prématuré de Gaëde en 1834 et de Courtois en 1835, c’est le Professeur Charles Morren (Gand, 3 mars 1807- Liège, 17 décembre 1858) qui fut chargé de la chaire de botanique et, partant, de la direction de ce jardin.
Il accrut l’importance des collections qui rassemblèrent bientôt quelque 2000 espèces en serres et 3.500 en plein air.
II.2. Le transfert du premier jardin botanique de l’Université sur le site du Bas-Laveu
II.2.1. Le transfert du jardin et des serres
La construction de nouveaux bâtiments et d’un quai de halage le long de la Meuse ayant amputé le jardin et les serres et compte tenu de l’exiguïté des locaux mis à sa disposition pour l’enseignement, Morren obtint, dès 1836, la décision de transférer le jardin sur un site plus approprié.
C’est dans le quartier du Bas-Laveu, alors campagnard, qu’en 1838, la Ville acquit à cette fin, quelque 5 hectares de terrains, bien exposés et pourvus d’eau, formant un pentagone aujourd’hui compris entre les rues des Anges, Nysten, Courtois, Fusch et Louvrex (ex-rue du Grand Jonkeu).
Lors de l’achat par la Ville de Liège, il fut convenu que le public serait admis dans le jardin et que, dans le cas où celui-ci deviendrait sans objet pour l’Université, la Ville pourrait de plein droit en disposer comme étant une propriété communale.
Nous reviendrons ultérieurement sur cette importante disposition. Julien-Etienne Remont (1800-1883), architecte de la Ville, fut chargé de dresser le plan du nouveau jardin.
C’est Charles Morren qui donna les directives au terme de visites à l’étranger, notamment en Grande-Bretagne ce qui explique l’aménagement du parc inspiré du style paysager à l’anglaise, avec son étang aux courbes harmonieuses.
Le plan fut achevé le 18 mars 1839, approuvé par le Conseil communal de la Ville de Liège le 26 juin de la même année et le 4 février 1840 par la Députation permanente.
Les plantations et la construction des serres qui, selon Remont, devaient impressionner par leur monumentalité et la prédominance du fer, du verre et de la pierre de taille, commencèrent en 1841.
Avant que le projet eût été entièrement exécuté, les travaux furent arrêtés en juillet 1843 faute de moyens financiers.
A ce moment, seules les fondations, les serres centrales et la rotonde de droite sont construites c’est-à-dire un tiers de ce qui devait être achevé en 1845.
Par ailleurs, les serres du centre-ville ayant été démolies, faute de bâtiments adéquats pour les entreposer, les riches collections sont anéanties…
Notons quand même, en 1843, la construction d’un canal qui amenait au jardin les eaux en provenance de la houillère de La Haye et, en 1848, la mise en place de grilles en fer forgé le long du jardin rue Louvrex.
En 1860, on clôtura de même les rues des Anges et Nysten.
C’est aussi en 1860 que les rues Fusch et Courtois sont ouvertes. Autour du parc, le quartier va rapidement s’urbaniser; les immeubles particuliers poussent comme des champignons et le prix des terrains s’envole…
Revenons aux avatars du jardin botanique. Charles Morren tombe malade en 1856. Cette maladie laisse ainsi le jardin sans directeur jusqu’à son décès 1858. C’est son fils, Edouard Morren (1833-1886) qui lui succède.
II. 2.2. La saga du transfert des instituts
Dans le centre-ville, malgré les extensions et divers aménagements, la place manque vu l’augmentation constante du nombre d’étudiants.
L’administrateur-inspecteur de l’époque réclame la construction de nouveaux locaux.
On notera par ailleurs qu’une loi organique votée en 1849 va mettre à la charge des villes-sièges d’une université, les dépenses d’agrandissement, d’amélioration et d’entretien des bâtiments (* Cette lourde charge ne sera supprimée qu’en 1931 même s’il est vrai que les phases importantes de travaux de la fin du XIX° siècle à l’Université de Liège furent financées par l’Etat belge).
Commissions et projets vont se succéder pour, in fine, aboutir au vote, le 21 mai 1875, par le conseil académique, du transfert de différents instituts sur le site du jardin botanique laissé inachevé depuis presque 40 ans. Il est ainsi décidé que les services de botanique, zoologie et d’anatomie comparée y seront transférés. Mais le débat est lancé au conseil communal entre les tenants du réaménagement du site primitif et les partisans d’un déménagement partiel sur le site du Bas-Laveu. La question est d’autant plus cruciale que c’est à la Ville qu’incombe la charge financière des travaux de construction et d’aménagement.
Celle-ci étant trop astreignante pour les finances communales, un subside spécial est accordé par l’Etat le 4 août 1879 – à Liège et… à Gand – devant servir « à doter les universités d’Etat d’installations dignes de leur haute mission ».
En contrepartie, le gouvernement suivra de près les travaux. Forcé d’accepter, le Conseil communal vote la part d’intervention de la Ville le 19 décembre 1879 qui s’élève à un quart des dépenses soit un million de francs de l’époque.
Le projet de transfert des instituts susmentionnés est confié à l’architecte provincial Lambert-Henri Noppius (Liège 1834-1889).
Avec l’aide d’Edouard Morren, Noppius élabore un projet visant à compléter les parties déjà existantes de l’institut de botanique.
Il comprend la construction d’une orangerie semblable au pavillon des palmiers construit du temps de J.E. Remont et le prolongement des ailes, au-delà des rotondes: à droite (donc vers la rue Louvrex), une partie sera consacrée à l’enseignement avec deux auditoires et le cabinet du professeur et, à gauche (donc vers la rue Courtois), une partie sera consacrée à la recherche avec une galerie de botanique, ses dépendances et le laboratoire.
C’est également Noppius qui est chargé de dresser les plans pour l’ensemble du site. Sur son premier projet, adapté de celui de Remont, les différents instituts sont répartis autour du parc: l’institut de physiologie est placé à l’angle des rue Louvrex et des Anges, ceux de zoologie et d’anatomie comparée sur toute la longueur de la rue Nysten. L’institut de pharmacie vient s’intercaler entre l’institut de physiologie et ceux de zoologie et d’anatomie.
De cette manière, il ne modifie en rien son projet pour l’institut de botanique.
C’est sans compter avec l’avis des habitants du nouveau quartier bourgeois du jardin botanique qui vont réagir et se constituer en comité de défense dès l’été 1880 sous la houlette de Jules Orban. Pour eux, ce plan provoquerait la destruction d’une partie importante du parc et de ses arbres qui ont atteint « leur forme caractéristique » et donc d’un organe important d’hygiénisation du quartier.
Projets, contre-projets et rapports divers vont se succéder suscitant d’âpres discussions et prises de position tant au niveau du Conseil communal, du comité de défense que de l’administrateur-inspecteur et des autorités académiques. On fait même appel à l’ingénieur liégeois Guillaume Blonden dont le rapport est vivement critiqué par Noppius.
Le comité de défense présente alors un troisième contre-projet de Noppius ! Impossible de faire état ici de toutes les propositions d’autant que le débat s’est élargi: faut-il, à la française, regrouper toutes les facultés dans un même lieu centralisé ce qui favoriserait les échanges inter-facultaires, ou, à la manière allemande, disséminer lesdits instituts pour permettre un libre développement des recherches scientifiques ?
Au début de l’année 1881, l’imbroglio est total vu les plans, les contre plans, les prises de position des professeurs, des habitants du quartier et du comité de défense du jardin botanique qui se bat pour installer le moins possible d’instituts dans le parc.
La Ville semble toutefois déterminée à en finir. Le 14 février 1881, il est décidé de poursuivre les travaux de l’institut de botanique adjugés depuis le 25 juin 1880, de construire l’institut de pharmacie qui a besoin d’un jardin de plantes médicinales sur le site, le long de la rue Fusch ainsi qu’il était prévu dans le deuxième projet de Noppius et de construire ailleurs les instituts de zoologie et d’anatomie.
La décision d’édifier ce dernier ainsi que les instituts d’anatomie et de physiologie sur leur site actuel, le long de la Meuse, sera, in fine, prise elle aussi à l’issue d’âpres débats au Conseil communal, les 11 et 12 mars 1881. L’emplacement retenu est un terrain appartenant aux hospices civils et occupé par l’hospice des Vieux-Hommes également appelé hospice des Hommes incurables.
Cette décision bien que vivement critiquée par certains, va ouvrir une ère nouvelle pour l’Université. Pendant les deux décennies qui vont suivre, les travaux de construction, de rénovation et d’appropriation vont se succéder sans relâche.
II.2.3. La deuxième grande phase de travaux au jardin botanique
Le jardin
En 1883, Edouard Morren réalise un nouveau plan du jardin botanique; il diffère peu des différents projets de Remont et Noppius.
Toujours de forme pentagonale, le jardin d’une superficie de 4 hectares 73 ares, est entouré par la rue Louvrex (qui remplace la rue du grand Jonkeu), les rues des Anges, Nysten (qui remplace la ruelle du Trokay), Courtois et Fusch.
A part quelques modifications dans le tracé des chemins et allées, le parc a gardé son agencement de jardin à l’anglaise.
En plus de l’entrée principale qui fait toujours face à la rue du Jardin Botanique, d’autres entrées secondaires sont aménagées: une en haut de la rue des Anges, deux rue Courtois et deux rue Fusch dont l’une mène directement à la maison du jardinier en chef.
Comme nous l’avons dit, les instituts de zoologie et d’anatomie sont définitivement exclus du site et les serres (les serres « basses ») qui sont situées à la place du futur institut de pharmacie sont reconstruites au sud-est de l’institut de botanique, à l’avant des anciennes serres (les serres « hautes ») dont elles sont séparées par une grande esplanade.
Nous y reviendrons.
L’institut de botanique
Rappelons tout d’abord qu’à ce moment, l’institut de botanique se compose seulement des serres centrales placées de part et d’autre du vestibule, de la grande rotonde de droite, de la maison du jardinier en chef et de quatre serres le long de la rue Fusch.
C’est Noppius qui est chargé de mener bien le projet retenu in fine.
Les travaux de construction sont adjugés en juin 1880, mais ne débuteront qu’en 1882.
Noppius commence par construire une serre haute à gauche (côté rue Courtois), identique à celle située à droite, de telle sorte que l’ensemble est maintenant symétrique (*).
Aux extrémités, Noppius construit des bâtiments tripartites, peu élevés, en pierre de Gobertange et calcaire.
Ces bâtiments n’ont subi jusqu’à nos jours que des modifications architecturales mineures (mais une modification profonde de leur affectation !).
Pour réaliser ces travaux d’aménagement, Noppius déplace la maison du jardinier en chef située alors là où la nouvelle serre haute est construite, à l’angle des rues Fusch et Louvrex, en contrebas d’une pente abrupte couverte de conifères où l’on peut toujours l’admirer de nos jours.
Elle n’est toutefois plus occupée par le jardinier en chef, mais par une brigade du Service des plantations de la Ville de Liège.
Principalement en briques sur trois niveaux, cette maison, témoignage de l’art de construire à Liège au XIX°siècle, n’a donc pas été détruite, mais tout au plus déplacée de quelques dizaines de mètres ! Revenons aux nouveaux bâtiments tripartites et plus spécialement à leurs troisièmes parties.
Elles ont la forme d’un hémicycle à deux niveaux et sept travées.
L’hémicycle de gauche, en principe symétrique à celui situé à droite, est cependant écourté à l’arrière pour laisser place à l’institut de pharmacie.
Il est également intéressant de remarquer que des modifications au rythme des travées (on remplace des fenêtres simples par des fenêtres doubles) ont été effectuées dès 1892 pour adapter ce qui servait jusqu’alors de musée, en laboratoire, cette dernière utilisation demandant davantage de lumière naturelle (notamment pour des travaux de microscopie).
Alors que l’hémicycle de l’aile droite a ultérieurement été modifié pour y installer un auditoire, celui de gauche rappelle encore actuellement la forme de son musée.
De part et d’autre du local, deux escaliers en colimaçon mènent à une galerie en fer forgé, soutenue par de fines colonnes.
Située au premier étage, elle permet aux deux rangs de fenêtres d’illuminer tout le local.
Cette qualité et cet état de conservation expliquent son classement en 1994.
Enfin, pour remplacer les serres provisoires à la place desquelles est construit l’institut de pharmacie, Noppius réalise un nouvel ensemble de serres – les serres dites basses – à l’avant de l’institut de botanique.
Les deux ensembles de serres sont séparés par une terrasse ornementale de sept mètres de large soutenue par un puissant mur de deux mètres de haut.
La balustrade qui la délimite, ornée de vasques en fonte décorées de mufles de lions (N.B. elles ont été volées la nuit du 24 mars 1994 !), est interrompue par un large escalier à double volée qui donne accès à la cour inférieure.
Des galeries de service, situées sous la terrasse, permettent la communication entre les deux ensembles.
Les serres basses forment un E ouvert vers les serres hautes.
La disposition des deux pavillons d’angle, construits en fer, rappelle celle des grandes rotondes.
Les serres intermédiaires sont réalisées en sapin.
Comme pour les serres hautes, une passerelle dest placé au sommet du faîtage des serres intermédiaires et à la base du lanterneau.
La barre du E est occupée par l’« aquarium ».
Il est construit sur le même schéma et avec les mêmes matériaux que les pavillons d’angle; sa porte est surmontée d’une arcade cintrée forgée fort élégamment.
Cette disposition permet une circulation cohérente.
Toutes les serres communiquent, mais sont séparées par des portes: au nord-est, la serre froide; à l’est, le pavillon tempéré; au sud-est les serres chaudes interrompues par l’« aquarium »; au sud, le pavillon tropical et au sud-ouest, les serres tempérées.
Pour entrer dans les serres froides et tempérées, il faut traverser l’espace de rempotage et une porte intermédiaire.
L’ensemble du complexe est inauguré en 1883…
Restait toutefois à améliorer le sort du concierge, logé jusque là dans des conditions insalubres.
En 1887, enfin, on lui construit une annexe en brique et calcaire: deux pièces éclairées par quatre baies cintrées au premier étage et accessibles par un escalier placé à l’arrière des serres centrales.
Au rez-de-chaussée, un portique aux arcades cintrées mène au logement du gardien.
Actuellement cette annexe est encore visible à l’arrière de l’institut de botanique, dans la cour intérieure, mais le portique mène à un local fermé et les baies de l’étage supérieur sont à linteau droit.
L’institut de pharmacie
Il n’est pas hors de propos d’y consacrer quelques lignes puisque suite à la décision du Conseil communal du 14 février 1881 (cf. supra), le bâtiment fait partie intégrante du site.
Comme Charles Morren l’avait fait pour la botanique, c’est le Professeur Alfred Gilkinet (Ensival, 1845 – Manhay, 1926) qui attire l’attention des autorités sur la nécessité de disposer de locaux en suffisance et en qualité pour l’enseignement et la recherche en pharmacie.
Il obtiendra gain de cause et l’institut de pharmacie quittera la place du conservatoire (actuellement place Cockerill) pour le Bas-Laveu.
La réalisation des plans est confiée à l’architecte L.H. Noppius et réalisé avec la collaboration des professeurs A. Gilkinet et L. de Koninck.
L’institut, en forme de L, de plain-pied, est construit entre 1882 et le 29 septembre 1884, date du procès-verbal de réception définitive des travaux..
Comme l’institut de botanique, il est en pierre de Gobertange, pierre calcaire et brique.
A l’intersection des rues Fusch et Courtois qu’il longe, un pan coupé de dix mètres de large, sert d’entrée monumentale.
Le portail d’entrée est composé de trois baies en plein cintre, séparées par deux colonnes ioniques.
Il est surmonté d’un entablement dont la frise porte le nom de l’institut. Par dessus, un fronton triangulaire est orné d’un tympan sculpté à ornementation végétale.
On remarquera par ailleurs que pour répondre au principe d’aération des voiries et aux préoccupations des riverains, l’institut est construit à dix mètres au minimum des deux rues précitées.
Par la suite et notamment lors de son cinquantenaire en 1934, l’institut reçut de nouveaux subsides qui lui permirent de rehausser l’arrière du bâtiment et de construire de nouveaux locaux.
Bien que de nombreuses modifications aient été apportées à l’arrière de l’édifice, la façade arrière initiale peut encore s’entrevoir.
II. 3. Heur et malheur des serres
Au début du XX° siècle, on peut raisonnablement considérer que l’ensemble du site était – enfin – complètement fonctionnel.
Pendant la première moitié du siècle passé, à notre connaissance, aucune modification architecturale notable n’est à signaler si ce n’est, comme nous l’avons dit, le rehaussement de l’arrière de l’institut de pharmacie et la construction de nouveaux locaux.
En ce qui concerne les serres, elles couvraient une surface totale de 1845 m².
Au milieu du XX° siècle, elles abritaient 7600 spécimens représentant 2370 espèces parmi lesquelles de remarquables collections de Broméliacées rassemblées par Ch. et E. Morren, de Bégonias rassemblés par Ch. Chevalier, de Cactacées, etc.
Le site avait, sans en souffrir notablement – du moins à notre connaissance – , traversé la première guerre mondiale et la seconde allait s’achever quand le 24 décembre 1944, une bombe volante allemande explosa au coin des rues de Sluse et Morren.
Le souffle détruisit les grandes rotondes (*) et les serres annexes. Grâce au dévouement du personnel qui se trouvait sur place, toutes les plantes transportables furent placées dans le grand auditoire, mais 151 espèces (755 exemplaires) parmi lesquelles de magnifiques spécimens de palmiers et de Cycadacées, de fougères arborescentes, de lianes tropicales, de Broméliacées, ne purent être déplacées et furent anéanties durant les deux nuits suivantes pendant lesquelles la température descendit à -9°C puis à -15° C.
Suite à cette destruction, la surface des serres utilisable n’était plus que de 780 m², soit moins de la moitié de la surface initiale.
Le montant obtenu en compensation des dommages de guerre étant insuffisant, les serres ne pourront hélas pas être reconstruites à l’identique.
Elles ne le seront que partiellement en 1954 ainsi qu’il est indiqué sur les grilles d’aération du nouvel « aquarium ». La surface couverte est portée à 1025 m².
Malheureusement, la hauteur de ces serres ne dépasse pas 4,75 m ce qui limite le développement de beaucoup de plantes. Dans les années 70, les collections comprenaient quelque 2.500 espèces représentées par environ 6.000 exemplaires. Outre les collections célèbres de Broméliacées et de Bégoniacées, y avaient été développées celles des Orchidées, des Cactacées, des plantes carnivores et des plantes grasses.
C’est également l’insuffisance des compensations pour les dommages de guerre qui explique la construction du pavillon préfabriqué (le « RTG » **), accolé au bâtiment tripartite de gauche – dont on peut imaginer qu’il a été considéré à l’époque comme une solution provisoire ! – et qui attend aujourd’hui une inexorable démolition en vue d’une réappropriation digne de ce site prestigieux.
- un vestige de la grande rotonde octogonale de droite est encore visible, accolé au bâtiment tripartite, là où fut bâti le premier phytotron d’Europe par le Professeur Raymond Bouillenne en 1950. L’appareillage a fonctionné jusqu’en 1981.
** les bâtiments dits « RTG » sont des pavillons de construction rapide, mis au point par trois architectes : Reubsaets, Thibaut et Gilles. On en a construit en grand nombre dans les années 50 et 60 (surtout à la suite de la « guerre scolaire »). Ils contenaient une quantité importante d’amiante.
Le parc
C’est le 12 juillet 1961 que l’Université prend la décision de transférer les cultures du jardin botanique vers le Sart Tilman où allait se construire la nouvelle Université.
Le jardin botanique allait pouvoir occuper les surfaces nécessaires à son expansion celle-ci étant bloquée sur le site urbain.
Les premiers travaux commencèrent durant l’hiver 1968-1969. Le site retenu par ses créateurs et l’architecte Claude Strebelle était situé sur la rive droite du vallon du Blanc Gravier, un peu à l’ouest du château de Colonster, sur un replat incisé en son milieu par la partie supérieure du ruisseau du Parson.
En 1975, l’installation des collections de plantes ligneuses est en partie réalisée: 304 conifères (représentant 79 espèces), 455 feuillus (170 espèces), 666 arbustes (242 espèces); 1416 pieds (401 espèces) attendent en pépinière d’être replantés en temps utile.
Le contrôle de l’identification et l’étiquetage sont en cours d’exécution. Etait également prévue la construction de rocailles destinées à des collections de ptéridophytes, de plantes alpines, etc.
A l’exception de la collection de plantes médicinales située à côté des serres basses, le transfert en pépinière des espèces herbacées de pleine terre est terminé.
Nous nous étendrons pas sur le sort de ce nouveau jardin. Faute notamment de moyens financiers et à des réductions drastiques progressives du personnel, il ne fut jamais entièrement réalisé selon les plans initiaux.
Pire, après le départ à la retraite, en 2001, de Jacques Lambinon, Professeur de Botanique systématique et de Phytogéographie, la décision est prise de le supprimer.
Les collections (restantes ?) sont alors transférées dans le périmètre occupé par l’Observatoire du monde des plantes installé boulevard de Colonster, près de la ferme des vétérinaires (*)
Ce transfert eut évidemment une conséquence importante. Comme il avait été convenu en 1838, la Ville de Liège prit possession de l’ancien jardin qui devint alors un parc public de quelque 3 hectares.
Depuis 1970, le parc est donc entretenu par le Service des plantations de la Ville, hormis une petite plaine de jeux gérée par le Service des plaines de jeux de la Ville.
Ce changement de statut se matérialisa notamment par la suppression des grilles qui ceinturaient le parc. Funeste décision sans doute – bien que défendue ardemment par certains – dans la mesure où, de nos jours, force est de constater que le parc est victime d’un vandalisme récurrent.
Pour combattre ce vandalisme, aider au petit entretien et mieux informer les personnes fréquentant le parc, la Ville a pris l’initiative d’organiser, en 2003, une formation de « gardiens sites », formation agréée par le Fonds social européen en juin 2002.
Il est prévu que ces personnes soient engagées en septembre 2005 sous le statut d’agents de prévention et de sécurité.
- L’Observatoire du monde des plantes – en fait un complexe de serres – a été construit à l’initiative de l’Administrateur de l’Université de Liège, M. René Grosjean, dans le cadre d’un projet de développement touristique soutenu par le FEDER.
Il a été inauguré en mars 1996. Un certain nombre de plantes entreposée rue Fusch, dont la remarquable collection de cactacées et plantes grasses léguée à l’Université de Liège par le cactéiste Jean Doinet (1905 – 1976), y ont été transférées.
Le parc a conservé la collection d’arbres de l’Université, collection considérée par les spécialistes comme l’une des plus remarquables de Belgique. La Société belge de dendrologie y a relevé une quinzaine de « champions » plantés entre 1841 et 1854 lors de la création du jardin.
Un tel héritage nécessite évidemment d’être entretenu avec soin. Le parc est donc inscrit dans le programme d’investissement 2002-2006 de restauration et de rénovation des infrastructures de parcs publics par l’Echevinat de l’Environnement (8° Département – Espacespublics/plantations).
Les travaux (notamment la rénovation de l’étang , des allées et chemins, entretien de la collection d’arbres, la remise en place de grilles (?), etc.) qui peuvent faire l’objet d’une subsidiation à concurrence de 60% par la Région Wallonne (DGRNE – Service des espaces verts), s’inscrivent dans le plan de gestion autorisé, le 8 septembre 1998, par la Région Wallonne (permis d’urbanisme).
Nous soulignerons évidemment au passage le classement, comme site, du jardin en 1975 (Arrêté royal du 26 mai 1975). Une incontestable reconnaissance par les Pouvoirs Publics de la valeur de ce patrimoine vert…
Les instituts de botanique et de pharmacie
Début des années 70, les botanistes abandonnèrent l’institut pour gagner leur nouveau bâtiment installé au Sart Tilman, boulevard de Colonster, à quelques centaines de mètres du nouveau jardin botanique. Les pharmaciens occupèrent alors l’entièreté des bâtiments.
On notera qu’en 1994 (Arrêté ministériel du 7 juillet 1994), furent classés comme monuments: les façades et toitures des instituts de botanique et de pharmacie, l’intérieur du laboratoire de botanique et l’entièreté des serres (serres « basses » et « hautes » – du moins ce qui reste de ces dernières !)
Les serres
Outil indispensable pour les cours de botanique donnés sur le site, les serres continuèrent à être gérées par l’Université de Liège avec l’aide la Ville de Liège jusqu’en 2014.
Une partie d’entre elles furent d’ailleurs rénovées, en 1997, grâce à un crédit de 20 millions d’anciens francs belges octroyé par le FEDER (Fond Européen de Développement Régional) et de la Région wallonne.
Soulignons par ailleurs le rôle important joué dans la gestion de ces serres par l’asbl « Comité de Défense des Serres et du Jardin Botanique de Liège », créée en 1992, qui apporte une aide appréciable en main d’oeuvre, en petit matériel et en organisant des animations diverses: « Bourse aux plantes » chaque premier mai depuis 1995, visites guidées lors des journées du patrimoine, visites guidées sur demande, étiquetage des plantes, etc.
Par ses diverses actions, le Comité de défense a joué et joue encore un rôle important de sensibilisation du public et des autorités à la nécessité de préserver et de valoriser le site tout entier tant pour sa valeur architecturale que culturelle et scientifique (*).
Depuis 2014, c’est la Maison Liégeoise de l’Environnement, subsidiée par la Région Wallonne, qui s’occupe de la gestion des Serres, tandis que l’asbl « Les Amis des Serres et du Jardin Botanique » continue d’agir bénévolement au service du site.
- Repris au plan de secteur de Liège en zone de parc, le site est situé dans un périmètre d’intérêt culturel, historique et/ou esthétique et également dans un périmètre visé à l’article 393 du CWATUP relatif aux centres anciens protégés.